– Article de Lysiane GANOUSSE –

Que son œuvre soit visible, soit. Pour sa part en revanche, il préfère passer inaperçu. D’où ce nom de « Petit Fantôme » que l’artiste s’est choisi à son retour à Nancy. « En fait, c’est lié à Facebook. Il faut forcément donner son nom et son prénom pour ouvrir une page. Moi, je ne tenais pas à me mettre en avant, alors pour le nom, c’est Fantôme. Et pour le prénom, dans le milieu, on a souvent le droit à des Mister ceci, Mister cela. J’ai opté pour Petit. Ça évite le côté macho qui se la joue qu’on trouve parfois dans le graffiti. » Ainsi Petit Fantôme a-t-il recommencé à hanter nos murs.

« Quand j’ai commencé à bidouiller avec des bombinettes, j’avais une quinzaine d’années ». C’était dans les années 90, l’époque n’était pas à la tolérance pour qui avait quelque chose à exprimer en façade, surtout à Nancy.

Aujourd’hui, on lui ouvre un MUR rien que pour lui. Les années ont passé. Lui affiche désormais l’âge du Christ, ça le fait sourire. De là à se faire sanctifier… il s’en voudrait. Tout juste s’il veut bien se plier à l’exercice de l’interview. Petit Fantôme frémit à l’idée de devenir « tendance ». « À mes débuts, je me définissais simplement comme graffeur, parce que je faisais de la lettre, or c’est l’essence même du graffiti. Puis je me suis ouvert aussi aux fresques, à la déco, alors je me disais plutôt street-artiste, ça englobait le tout. Seulement en ce moment, comme toutes les sous-cultures, le street-art est en train de se faire bouffer par le système, c’est l’objet d’un véritable engouement. » Peut-être un peu de nostalgie pour l’époque clandestine lui revient elle en bouffée ? « Non, pas du tout. C’est juste que je me méfie un peu de la sincérité de tout ça. »

Cupcake explosif

« Quand tu montes un dossier en disant pratiquer le graffiti, t’as aucune chance qu’il passe », poursuit-il. « Tu te dis street-artiste, et là on dresse une oreille attentive. Ces nouvelles définitions, ça me gave un peu. » Entre les lignes, on comprend vite qu’il abhorre l’hypocrisie d’une société fashion victim.

Polytechnicien, au sens propre, Petit Fantôme pratique la peinture aussi bien que l’illustration, le tatoo ou le graffiti, et même au pied du mur on le voit rarement se cantonner à une seule technique. Au MUR de la place Charles-III, où il est l’invité du mois, un collage de cupcake explosif s’inscrit ainsi dans un décor de coulures, un donut vandale semble prêt à nous sauter à la gorge dans un grand sourire cartoon. Mais n’y cherchons pas plus de message que ça, l’instinct est sa principale raison d’agir.

Remarquons néanmoins le petit moulin à bière frétillant en bas de tableau. Hommage sans doute au Moulin Crew, collectif d’artistes dont fait partie notre spectre graffeur, et à qui on doit notamment l’ambitieux projet HOME (Habitation onirique manifestement éphémère). « Un crew qui n’en est pas un, dans le sens où il n’y a pas d’esprit de tribu chez eux, tellement loin de la guerre des gangs et des territoires. Tu y entres, t’en sors à volonté… comme dans un moulin ! » Avec d’autant plus de facilité qu’il est un fantôme… Petit de surcroît !

Source : Edition de Nancy Ville | L’artiste Petit Fantôme traverse le MUR